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Que ressentent les personnes exclues du système bancaire ?

par Sabine Mensah, Directrice générale adjointe d’AfricaNenda - 16 mars 2023

L’année dernière, on m’a volé mon sac à main alors que j’assistais au Mobile World Congress à Barcelone. Je me suis soudain retrouvée sans pièce d’identité, ni carte bancaire, ni argent liquide. J’ai pu compter sur le soutien de mes collègues qui m’ont prêté de l’argent. Cependant, je ne m’étais jamais sentie aussi vulnérable et exclue, car je ne pouvais pas accéder à mes finances ni à une solution permettant de couvrir mes dépenses. C’était assez effrayant.

Quelle est l’approche du secteur financier à l’égard des personnes exclues du système bancaire ?

En Afrique, plus de 350 millions d’adultes exclus financièrement recourent aux paiements en espèces, sans bénéficier de la sécurité d’un compte financier, d’une carte de crédit ou de facilités de prêt. Selon le Forum économique mondial, environ 500 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’ont pas de preuve d’identité juridique. Or, la plupart des banques d’Afrique subsaharienne demandent une pièce d’identité, une adresse et des revenus pour ouvrir un compte. J’ai toujours trouvé ironique que les banques occidentales offrent des programmes de fidélisation ou des récompenses pour l’ouverture de comptes, alors que les banques de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne facturent des frais pour déposer un chèque ou de l’argent liquide sur son compte, bénéficier de services bancaires en ligne, voire retirer sa carte de débit. Il n’est donc pas étonnant que le « bas de la pyramide » soit systématiquement exclu du secteur ou système financier classique.

Un nouveau paradigme : la banque en ligne

Qui aurait pu prédire avant 2007 qu’un simple téléphone portable allait concurrencer les banques dans l’offre de services financiers ? Il ne fait aujourd’hui aucun doute que le développement des services financiers numériques, notamment de l’argent mobile, a grandement contribué aux alternatives d’inclusion financière en Afrique. Selon la base de données Findex 2021, 33 % des adultes en Afrique subsaharienne posséderaient un compte mobile. Les données soulignent en outre que ces comptes ont facilité l’épargne et l’accès au crédit de certains consommateurs. Malgré les défis liés au taux d’inactivité bancaire, le parcours d’adoption de l’argent mobile offre une lueur d’espoir pour l’avenir des personnes exclues du système bancaire. L’émergence de start-up fintech et d’entreprises sociales dans l’écosystème numérique peut stimuler l’innovation en faveur de la bancarisation des personnes pauvres. Cependant, pour que ces solutions aient un impact positif réel sur les personnes exclues du système bancaire, l’écosystème de la finance numérique doit mettre en place des mesures d’incitations, des réglementations et des politiques permettant de répondre à leurs besoins et à leurs défis, et de les toucher du doigt. Faute de cette évolution, les écosystèmes continueront de ne s’adresser qu’à une frange privilégiée de la population.

J’ai de nouveau assisté au Mobile World Congress de Barcelone cette année. L’un des événements marquants du congrès a été le lancement de la Cité de l’innovation, un espace dédié où les entreprises présentent leurs dernières innovations dans un environnement interactif. J’ai pu expérimenter les dernières avancées et découvrir tout le potentiel des technologies de rupture dans les domaines de la santé, du développement durable ou encore de la vente au détail. J’ai également pu suivre des discussions passionnantes sur l’acessibilité des téléphones portables, les questions de genre, le fossé urbain/rural ou encore l’humanisation de la technologie. Je reste optimiste quant à l’avenir des paiements et de l’inclusion numérique et j’espère que nous uniformiserons rapidement les règles afin d’assurer l’accès universel aux services financiers à tous les Africains d’ici à 2030.


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