Articles

Des politiques publiques aux impacts concrets pour les citoyens : résumé du webinaire sur “eKYC et les systèmes de paiement instantané en Afrique “

par Ornella Sianwa et Moustapha Gabar Diop, équipe de communication, Fondation AfricaNenda - 2 juillet 2025

Dans l’économie numérique actuelle, les systèmes de paiement instantané inclusifs (« SPII ») constituent un levier essentiel pour favoriser l’inclusion financière à travers l’Afrique. Cependant, pour garantir l’accessibilité, la sécurité et l’évolutivité de ces systèmes, l’instauration d’une réglementation, notamment en ce qui concerne les processus de connaissance électronique du client (« eKYC »), est indispensable.

Ce sujet était au cœur d’un webinaire organisé le 27 mai 2025 par Cambridge Centre for Alternative Finance (« CCAF ») et AfricaNenda Foundation. L’événement a réuni le Dr Kanwaljit Singh, Directeur adjoint en charge de l’infrastructure publique numérique au sein de la Gates Foundation, Jacqueline Jumah, Directrice du plaidoyer et du développement des capacités au sein d’AfricaNenda, Mohamed Abdelrahman, Responsable des instruments de paiement et des canaux d’acceptation à la Banque centrale d’Égypte, Oluwasola Dada Ajewole, Directeur adjoint de la Banque centrale du Nigeria et Sabine Mensah, Directrice générale adjointe à AfricaNenda, modératrice de la session.

Ensemble, ils ont examiné la manière dont une réglementation eKYC fondée sur la gestion des risques peut contribuer à une meilleure inclusion et accélérer l’adoption des SPII à travers le continent.

Du papier au numérique : en quoi l’eKYC est-elle importante ?

Comme l’a souligné Jacqueline Jumah, Directrice du plaidoyer et du développement des capacités au sein d’AfricaNenda, le processus d’eKYC révolutionne l’intégration des utilisateurs en remplaçant les procédures manuelles par des interactions numériques. Cela passe par :

  • la communication des informations relatives à l’identité (p. ex., le nom, la date de naissance) ;
  • la fourniture d’un justificatif (physique ou électronique) ;
  • la vérification de l’identité par validation physique ou numérique.

Les avantages sont évidents : des données plus fiables, une meilleure accessibilité (en particulier pour les populations rurales et peu alphabétisées) ainsi qu’une plus grande efficacité de l’ensemble de l’écosystème financier.

Pourtant, malgré l’adoption croissante dans des pays comme l’Égypte, le Kenya, Maurice et le Nigeria, des lacunes en matière de réglementation et d’infrastructure subsistent.

Leçons tirées des quatre coins du continent

Plusieurs pays africains font de grands progrès en matière d’eKYC. À titre d’exemple, Maurice utilise sa plateforme « InfoHighway » pour l’échange sécurisé de données entre les entités gouvernementales et les fournisseurs de services financiers. Le système KYC à plusieurs niveaux du Nigeria a permis l’intégration des utilisateurs considérés à faible risque avec très peu de justificatifs, faisant passer l’inclusion de 25 % en 2012 à 75 % en 2023.

Il reste néanmoins des défis à relever :

  • Les réglementations sont fragmentées et manquent souvent d’harmonisation transfrontalière ;
  • L’intégration à distance est souvent classée par défaut comme « à haut risque » ;
  • L’adoption par les fournisseurs de services de paiement reste faible ;
  • Les systèmes d’identification numérique et les infrastructures de vérification sont inégalement développés.

Qu’est-ce qui doit changer ?

Pour combler ces lacunes, les participants ont formulé plusieurs recommandations. Ils ont notamment mis l’accent sur une approche réglementaire flexible et fondée sur les risques, qui concilie sécurité et accessibilité. Les recommandations clés sont les suivantes :

  • Mettre en œuvre des modèles de diligence raisonnable à l’égard de la clientèle (« CDD ») à plusieurs niveaux et axés sur les résultats ;
  • Permettre l’utilisation de justificatifs électroniques et de méthodes de vérification à distance, telles que la biométrie et les contrôles d’identité par appel vidéo ;
  • Encourager la mise en œuvre de cadres interopérables de partage de données afin de renforcer la confiance et la collaboration ;
  • Renforcer les systèmes nationaux d’identification numérique comme base de l’accès aux services financiers ;
  • Élaborer des lignes directrices régionales afin de réduire l’arbitrage réglementaire et favoriser l’interopérabilité transfrontalière.

Concilier risque, innovation et inclusion

Le Dr Kanwaljit Singh, Directeur adjoint de la Gates Foundation, a insisté sur le fait que l’identité numérique ne se limite pas au domaine financier, mais qu’elle permet de participer pleinement à la vie moderne. Il a appelé à des systèmes d’identification accessibles, interopérables et soutenus par des réglementations flexibles et évolutives.

Mohamed Abdelrahman, Responsable des instruments de paiement à la Banque centrale d’Égypte, a expliqué comment les modèles d’intégration égyptiens, destinés aux utilisateurs actuels tout comme aux usagers non bancarisés, ont contribué à favoriser une croissance inclusive tout en assurant la protection des données et une expérience utilisateur fluide. Il a indiqué que l’inclusion financière en Égypte a connu une hausse spectaculaire, passant de 64 % à 95 % en seulement deux ans, en partie grâce à ces modèles flexibles.

Oluwasola Dada Ajewole, Directeur adjoint à la Banque centrale du Nigeria, a mis en lumière l’approche KYC par niveaux du pays et ses effets transformateurs sur l’accès aux services financiers. Il a toutefois également insisté sur la nécessité de renforcer continuellement les infrastructures et les systèmes de prévention de la fraude.

Tout au long des échanges, les intervenants ont mis l’accent sur l’importance de l’adaptabilité de la réglementation ainsi que la nécessité d’une approche fondée sur les risques et centrée sur l’utilisateur.

Sabine Mensah, Directrice générale adjointe à AfricaNenda, a pour sa part réaffirmé l’importance d’aller au-delà des cadres statiques et de collaborer de manière proactive avec les parties prenantes pour s’assurer que la réglementation suit le rythme de l’innovation.

Les participants ont aussi soulevé des questions essentielles, notamment : les SPI sont-ils interopérables au-delà de leurs frontières nationales ? L’intégration à distance augmente-t-elle les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ? Comment les institutions peuvent-elles vérifier l’identité à distance ? Qu’en est-il de l’augmentation de la fraude générée par l’IA ? Les utilisateurs peuvent-ils se voir accorder un accès partiel avant une vérification complète ?

En réponse à ces questions, les participants ont fait valoir que la collaboration, les évaluations fondées sur les risques et l’engagement constant entre les régulateurs et les acteurs du secteur sont essentiels pour voir l’avènement d’écosystèmes numériques inclusifs et sécurisés.

Bâtir une finance inclusive, par des politiques ciblées et progressives

Alors que l’Afrique accélère sa transition vers des systèmes financiers numériques, son succès dépendra de cadres réglementaires proportionnés, tournés vers l’avenir et nativement inclusifs. Parmi ceux-ci, l’eKYC se distingue comme un catalyseur décisif : judicieusement mise en œuvre, elle peut permettre un accès sûr, transparent et évolutif aux services financiers pour des millions de personnes à travers le continent.

Chez AfricaNenda, en collaboration avec Cambridge Centre for Alternative Finance et de nos partenaires dans toute la région, nous restons déterminés à travailler main dans la main avec les gouvernements, les banques centrales et le secteur privé pour soutenir l’élaboration de politiques favorables. Notre objectif commun est clair : accélérer l’adoption des systèmes de paiement instantané inclusifs et se rapprocher d’une Afrique financièrement autonome.

Découvrez l’AfricaNenda Knowledge Zone sur la plateforme Regulatory Knowledge Exchange :https://rke.ccaf.io/category/africanenda


Partager cette page

Dernier blogs