Articles

Développer des systèmes de paiement instantané inclusifs en Afrique : enseignements tirés de l’expérience de ZIPIT au Zimbabwe

par Serge Moungnanou, Spécialiste des partenariats, du plaidoyer et du renforcement des capacités - 16 juin 2025

À mesure que l’Afrique accélère sa transition vers un avenir financier numérique, les systèmes de paiement instantané (« SPI ») inclusifs s’imposent comme un puissant levier d’inclusion financière. À l’occasion du récent webinaire intitulé « Unlocking Inclusive Instant Payments in Africa: Lessons from ZIPIT in Zimbabwe » (littéralement, « Déverrouiller le potentiel des paiements instantanés inclusifs en Afrique : leçons tirées de ZIPIT au Zimbabwe ») organisé par AfricaNenda Foundation, en collaboration avec Zimswitch Instant Payment Interchange Technology (« ZIPIT ») et l’Alliance of Digital Finance and Fintech Associations (littéralement Alliance des associations de finance numérique, « ADFA »), les participants se sont demandé comment l’expérience du Zimbabwe pouvait éclairer d’autres pays africains dans leurs efforts pour rendre les SPI à la fois inclusifs et porteurs d’impact.

Quels leviers pour favoriser l’inclusion dans les systèmes de paiements instantanés en Afrique ?

Lavender Nyamukondiwa, de Zimswitch, a présenté la plateforme ZIPIT, illustrant comment un SPI, lorsqu’il repose sur des catalyseurs appropriés, peut constituer une infrastructure numérique au service de l’inclusion financière. Son intervention a été enrichie par l’expérience du Kenya, à travers le témoignage de Plounne Oyunge d’Integrated Payment Services Limited (« IPSL »), qui a exposé les démarches entreprises pour concevoir un système capable d’atteindre les communautés défavorisées, notamment en milieu rural.

De cette discussion sont ressortis plusieurs piliers fondamentaux identifiés comme déterminants pour assurer la viabilité, l’adoption et la montée en puissance des SPI, tant à l’échelle nationale que régionale.

L’interopérabilité constitue l’un des fondements de l’inclusion financière. En permettant des transferts en temps réel entre banques, institutions de microfinance et opérateurs d’argent mobile par l’intermédiaire d’une passerelle API unifiée, la plateforme ZIPIT contribue à résorber la fragmentation des écosystèmes financiers. Cette connectivité fluide garantit aux usagers la possibilité d’effectuer des transactions, quel que soit leur prestataire de services financiers.

L’accessibilité tarifaire représente un autre enjeu majeur. Comme l’a souligné Faideth Foto, de l’Electronic Payments Association of Zimbabwe (Association des paiements électroniques du Zimbabwe, « EPAZ »), les frais élevés constituent un frein significatif à l’inclusion des populations à faibles revenus. ZIPIT répond à cette problématique en supprimant les commissions d’interchange et en appliquant un taux unique de 1 % par transaction.

L’équité d’accès passe également par la diversité des canaux d’utilisation. La solution est accessible via des applications mobiles, des codes USSD, des guichets automatiques (« GAB »), des points de vente (« PDV ») ainsi que des plateformes Web, garantissant de fait une couverture inclusive, y compris dans les zones à faible connectivité. Cette approche multicanale permet de démocratiser les paiements numériques, en les rendant utilisables même avec des téléphones basiques ou un accès limité à Internet.

Confiance et protection des consommateurs sont les piliers d’une adoption durable. Charlom Tsiga, qui représente Zimswitch, a souligné que même de brèves interruptions de service peuvent éroder la confiance des usagers. Pour y remédier et instaurer un climat de confiance, la plateforme ZIPIT s’est dotée d’un cadre complet de protection des consommateurs, conforme aux réglementations nationales, couvrant les volets essentiels de la sécurité, de la gestion des litiges, ainsi que de la sensibilisation et de l’information des utilisateurs.

La collaboration entre les régulateurs et les acteurs de l’écosystème s’est également révélée déterminante. En étroite concertation avec les autorités de régulation, les institutions financières et les opérateurs d’argent mobile, Zimswitch a conçu un système robuste et interopérable, conciliant innovation et supervision. Au Zimbabwe, l’EPAZ joue un rôle clé en facilitant le dialogue entre les régulateurs et les institutions financières, afin de promouvoir la conformité et renforcer la coopération au sein du secteur financier. Tant ZIPIT qu’IPSL au Kenya ont respecté les cadres réglementaires en vigueur et associé les régulateurs à la conception de systèmes, garantissant dès lors une protection effective des consommateurs.

Ces enseignements offrent ainsi une feuille de route précieuse pour les autres pays africains désireux d’élargir l’accès des populations défavorisées aux services financiers numériques.

Potentiels enseignements pour les autres pays africains

L’expérience de ZIPIT a mis en évidence au moins trois stratégies concrètes susceptibles d’orienter le développement de SPI inclusifs à l’échelle du continent africain :

  • Un cadre réglementaire propice est indispensable. Des règles robustes en matière de protection des consommateurs, des obligations d’interopérabilité et des structures tarifaires abordables favorisent l’adoption des SPI sans compromettre la sécurité.
  • Une conception pensée pour l’échelle et la diversité. Les systèmes doivent pouvoir fonctionner en ligne comme hors ligne, s’adapter à différents types d’institutions financières et de terminaux utilisateurs, afin d’atteindre efficacement les populations rurales comme urbaines.
  • La collaboration est une condition sine qua non. Les gouvernements, les fintechs, les banques et les autorités de régulation doivent œuvrer de concert pour mettre en place une infrastructure partagée, limiter les redondances, élargir les cas d’utilisation et harmoniser les interfaces. C’est de cette coopération que dépend la capacité à desservir durablement les segments de population les plus défavorisés.

Façonner l’avenir des SPI en Afrique

Les systèmes de paiement instantané inclusifs ne se résument pas à la rapidité des transactions : ils recouvrent des enjeux de dignité, d’accès et d’émancipation économique. Le parcours de ZIPIT au Zimbabwe montre que, grâce à une combinaison adéquate d’infrastructures, d’accessibilité financière, de confiance et de collaboration, les SPI peuvent réduire les fractures financières et permettre une véritable participation à l’économie numérique.

Pour les décideurs publics, les innovateurs et les institutions financières à travers le continent, le message est clair : il faut s’approprier ces enseignements, intégrer l’inclusion dès la conception, et faire en sorte que la transformation numérique ne laisse personne de côté.

Vous n’avez pas pu assister au webinaire ? Regardez le replay et téléchargez l’étude de cas consacrée à ZIPIT pour en savoir plus sur les avancées du Zimbabwe en matière d’inclusion financière numérique. Suivez AfricaNenda, ZIPIT et l’ADFA pour approfondir la réflexion et découvrir les échanges régionaux sur l’inclusion financière numérique en Afrique.


Partager cette page

Dernier blogs