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Ce que l’Afrique peut enseigner au monde sur l’équilibre entre stabilité financière et inclusion
par Robert Ochola, PDG d’AfricaNenda - 5 février 2025
En novembre dernier, à Accra, au Ghana, j’ai eu le privilège d’animer une table ronde très instructive lors du lancement du Rapport SIIPS 2024. Nous y avons abordé une question cruciale : comment les nations africaines parviennent-elles à concilier stabilité financière et besoin urgent d’inclusion financière durable ?
Deux remarquables dirigeants m’ont rejoint : les gouverneurs des banques centrales, respectivement d’Eswatini, S. E. Dr Phil Mnisi, et de Sierra Leone, S. E. Dr Ibrahim Stevens. Ils ont partagé leurs expériences, et notamment comment, avec leurs équipes, ils ont fait face aux défis qui se sont présentés. Mais aussi comment ils ont stimulé l’innovation et veillé à ce que les systèmes financiers soient au service de tous, et pas seulement d’une poignée de privilégiés.
Passionné par l’inclusion financière, j’ai trouvé cette conversation à la fois inspirante et rassurante. AfricaNenda appuie justement ces efforts et apporte son aide pour développer des systèmes de paiement qui permettent à la population de tout le continent de s’émanciper. Et cette discussion a notamment été l’occasion d’asseoir une nouvelle fois ce rôle que nous jouons dans l’écosystème.

De la naissance du système de paiement inclusif de l’Eswatini
Le gouverneur de la Banque centrale d’Eswatini a souligné la mission qui est celle de la banque : rendre les systèmes de paiement plus accessibles à tous, tout en préservant la stabilité financière.
L’Eswatini a pris des mesures audacieuses en ce sens, notamment :
- Mise en place d’un département dédié aux fintechs ;
- Organisation de hackathons pour encourager l’innovation ;
- Amendement de la loi sur les paiements pour permettre aux acteurs non bancaires de pénétrer ce marché ;
- Lancement d’un système de paiement rapide national, qui est entré en service en décembre et se trouve actuellement en phase d’observation.
Les obstacles n’ont cependant pas manqué. Convaincre les banques, dont beaucoup sont des entités sud-africaines, de soutenir ces innovations n’a pas été une mince affaire. En outre, il reste prioritaire de combler les lacunes en matière de compétences techniques et de veiller à ce que les nouveaux systèmes soient accessibles à tous.
Le fait d’entendre parler de ces efforts a réaffirmé l’engagement d’AfricaNenda à soutenir de telles initiatives. Nous sommes impatients d’apporter notre pierre à l’édifice, en partageant notre expertise technique ainsi que nos connaissances et en favorisant la collaboration afin de susciter des changements significatifs.
Sierra Leone : un modèle de résilience et de progrès
Le parcours de la Sierra Leone en matière d’inclusion financière est tout aussi impressionnant. Le lancement du commutateur financier national en mai 2022 a permis au pays de changer fondamentalement la donne, en connectant sept banques et les principaux opérateurs d’argent mobile. En conséquence, le taux d’inclusion financière est passé de 18 % en 2021 à près de 40 % aujourd’hui.
Malgré cette avancée, l’intégration du secteur informel demeure un défi de taille. Nombreux sont celles et ceux qui hésitent à passer aux services financiers formels, en raison de problèmes de confiance ou d’un manque de sensibilisation. Le gouverneur a souligné la nécessité de mettre en place des mesures d’incitation, par exemple des abattements fiscaux, afin d’encourager une adoption plus large.

La Sierra Leone encourage également l’innovation par le biais :
- des « bacs à sable » réglementaires qui permettent d’expérimenter de nouvelles solutions financières.
Des modèles d’octroi d’agréments à plusieurs niveaux qui encouragent la collaboration entre fintechs
Pour nous, chez AfricaNenda, les progrès de la Sierra Leone témoignent de la résilience et de l’ingéniosité qui contribuent à l’inclusion financière en Afrique. Nous nous réjouissons des opportunités de collaboration qui se dessinent, que ce soit à travers le partage des enseignements tirés de l’expérience d’autres pays ou l’appui à la mise en place des solutions adaptées aux besoins spécifiques des fintechs.
Une vision unifiée de l’écosystème des paiements en Afrique
Au fil de notre discussion, il est apparu clairement que les deux gouverneurs partageaient une vision plus large : un écosystème de paiement africain véritablement interconnecté. Pour l’Eswatini, cela signifie renforcer le commerce intra-africain et réduire les coûts de transaction en s’affranchissant de la dépendance à l’égard de devises étrangères comme le dollar américain.
Pour la Sierra Leone, il s’agit de favoriser la coopération régionale et d’établir un collège de superviseurs dédié aux fintechs afin de simplifier les paiements transfrontaliers. Ces ambitions sont audacieuses, et c’est précisément ce dont l’Afrique a besoin. Elles s’inscrivent également dans le droit fil de la mission d’AfricaNenda : accélérer le développement de systèmes de paiement interopérables et inclusifs sur tout le continent.
Montrer la voie, plutôt que de se contenter de suivre le mouvement
L’animation de cette table ronde m’a laissé à la fois plein d’espoir et de motivation. Plein d’espoir, parce que les progrès dont nous sommes témoins dans des pays comme l’Eswatini et la Sierra Leone prouvent que l’innovation et l’inclusion peuvent aller de pair avec la stabilité financière. Motivé, car il reste beaucoup à faire.
Chez AfricaNenda, nous pensons que les systèmes financiers doivent être au service de tous, et non de quelques privilégiés seulement. C’est précisément la raison pour laquelle nous sommes ici : pour aider les banques centrales, les décideurs politiques et les innovateurs à mettre sur pied des systèmes de paiement instantané inclusifs qui ne laissent personne de côté. Cette conversation m’a rappelé une vérité puissante : l’Afrique n’a pas seulement le potentiel de suivre le reste du monde en matière d’inclusion financière, elle a aussi l’opportunité de montrer la voie.
Les histoires partagées à l’occasion du lancement du Rapport SIIPS 2024 en sont la preuve. Elles montrent que lorsque nous collaborons, innovons et mettons les citoyens au cœur des priorités, nous pouvons bâtir des systèmes financiers qui changent vraiment la donne.
« L’Afrique doit trouver son point de bascule, en s’appuyant sur l’accélération de l’inclusion financière. »