Dans le contexte de l’évolution rapide du paysage financier numérique en Afrique, l’écart persistant entre les sexes demeure un obstacle de taille à l’atteinte de l’inclusion financière pour tous. Malgré les progrès considérables en matière de connectivité mobile et les innovations des fintechs, les femmes à travers le continent sont confrontées à des obstacles disproportionnés pour accéder et utiliser les outils financiers numériques.

Passons en revue les défis majeurs :

• Détention de comptes bancaires : en Afrique subsaharienne, l’écart dans la détention de comptes financiers entre les hommes et les femmes s’est fortement creusé. La disparité hommes/femmes dans la détention de comptes financiers a presque doublé, passant de 7 % en 2011 à 12 % en 2021. À ce jour, seuls 49 % des femmes possèdent un compte bancaire, contre 61 % des hommes.

• Comptes d’argent mobile : même si l’argent mobile a révolutionné l’accès aux services financiers dans de nombreux pays africains, les femmes accusent encore un retard. Selon les dernières statistiques, 30 % des femmes détiennent un compte d’argent mobile, contre 36 % des hommes.

• Transactions numériques : les femmes effectuent moins de transactions numériques, avec environ 15 transactions par semaine, contre 22 pour les hommes. Cette disparité affecte directement leur capacité à accéder aux opportunités dans une économie de plus en plus tournée vers le numérique.

• Accès aux technologies : l’accès limité à la technologie mobile constitue un obstacle majeur à l’inclusion financière. En Afrique, 86 % des hommes possèdent un téléphone mobile, contre seulement 77 % des femmes. Plus inquiétant encore, l’écart de 37 % entre les sexes dans l’utilisation de l’Internet mobile signifie que 190 millions de femmes africaines demeurent exclues des services financiers essentiels.

Ces chiffres ne sont pas de simples statistiques : ils reflètent de véritables obstacles auxquels les femmes font face au quotidien, que ce soit dans les villages reculés ou dans les centres urbains dynamiques.

Le récit de Sihem illustre la double difficulté posée par les barrières culturelles et la fracture numérique entre les sexes. En tant que propriétaire d’une petite entreprise en Algérie, elle dirige une micro-entreprise de confection de vêtements sur mesure et de repassage, mais elle se heurte à des obstacles considérables lorsqu’il s’agit d’adopter les paiements numériques. Elle explique que passer le cap des paiements numériques est perçu comme un moyen de libérer les femmes de certaines traditions familiales, ce qui génère du conflit au sein de la famille. Cette perspective représente un frein à l’acceptation de cette technologie par les femmes chefs d’entreprise. Sihem constate également le déséquilibre entre les sexes quant à qui a le pouvoir sur les finances au sein de sa communauté. Selon elle, les hommes ont toujours tenu les cordons de la bourse et sont perçus comme les seuls aptes à gérer les paiements numériques. Une telle perception conduit à postuler que les hommes sont doués avec l’argent, y compris en matière de nouvelles technologies financières.

Son expérience, mise en lumière dans le Rapport SIIPS 2024, met en évidence les normes sociales profondément ancrées qui restreignent l’autonomie financière des femmes.

Vivian Kasule : Ouganda

Vivian Kasule, femme d’affaires en Ouganda, s’attaque aux complexités des paiements numériques pour faire croître son entreprise. Pour elle, l’argent mobile a révolutionné ses transactions, lui permettant de percevoir les paiements de ses clients, de manière sécurisée et rapide, même dans les zones les plus reculées. Vivian explique comment les paiements numériques éliminent les risques liés à la détention physique d’argent liquide, améliorent la transparence de ses finances et renforcent sa capacité à servir ses clients. Cependant, comme elle le souligne dans l’entretien, les problèmes de réseau et les retards dans l’exécution des transactions sont encore susceptibles de perturber ses activités, soulignant ainsi le besoin de systèmes optimisés.

Ramatoulaye Goudiaby : Sénégal

À Dakar, Ramatoulaye Goudiaby, propriétaire d’un salon de coiffure, a adopté les paiements numériques pour transformer son entreprise. Elle imagine un futur où des transactions fluides et accessibles donnent aux entrepreneurs, comme elle, les moyens de faire grandir leurs entreprises. Son histoire, qu’elle nous partage à l’occasion d’un autre entretien, met en évidence comment les paiements numériques peuvent permettre aux femmes de prendre leur indépendance financière, malgré les obstacles sociaux.

Nancy Kubasa : Malawi

Nancy Kubasa, entrepreneure du district de Sanje au Malawi, raconte dans cet entretien l’aventure palpitante qu’a été l’adoption de l’argent mobile. Nancy partage sa réflexion profonde sur la manière dont les paiements numériques ont eu un impact positif sur son entreprise, lui permettant de réaliser des transactions instantanées et encourageant ainsi sa croissance. Son récit met en lumière le pouvoir de l’argent mobile dans l’autonomisation des entrepreneurs ruraux, en plus de contribuer à lever les obstacles à l’inclusion financière et de créer des opportunités pour le succès économique de la région. Nancy est un exemple de la manière dont les outils numériques peuvent changer des vies et convaincre d’autres membres de la communauté d’emprunter la même voie.

Ces récits inspirants montrent que, malgré les obstacles, les femmes tracent leur propre chemin vers l’autonomie financière. En adoptant les paiements numériques, elles ne se contentent pas de transformer leurs entreprises, elles redéfinissent le champ des possibles pour les femmes africaines dans le domaine de la finance.

Lorsqu’une femme africaine est dotée de connaissances économiques et d’un accès au financement, elle progresse sur les plans économique et social, en déconstruisant les stéréotypes de son entourage et en faisant évoluer les communautés où elle vit. Pour des millions de personnes, la littératie financière est bien plus qu’une simple compétence pour les femmes en Afrique : elle constitue un tremplin vers l’indépendance et l’autonomisation économique.

Le changement se produira lorsque nous investirons dans l’éducation financière des femmes, parallèlement à d’autres domaines d’intervention essentiels :

• Développer des produits financiers innovants adaptés aux femmes tout en fournissant parallèlement une éducation à la littératie financière pour en assurer une utilisation efficace.
• Tirer parti des moyens numériques pour étendre la portée des services financiers et réduire le fossé technologique à travers des programmes de littératie numérique ciblés.
• Renforcer les lois sur la protection des consommateurs et garantir aux femmes un accès à l’information concernant leurs droits et devoirs dans le système financier.
• Soutenir les femmes dans la gestion de leurs micro- et petites entreprises en mettant à leur disposition des ressources financières et des formations en gestion financière.
• Les données ventilées par sexe doivent être exploitées pour trouver des solutions fondées sur des preuves et, en parallèle, renforcer progressivement la littératie financière des femmes.
• Mettre en place des programmes d’éducation financière, adaptés aux besoins et au contexte spécifiques des femmes, afin de leur permettre de prendre des décisions financières éclairées.

En combinant ces stratégies avec de solides programmes de littératie financière, nous pouvons créer une Afrique où l’inclusion financière ne sera plus un privilège, mais une promesse : celle de la dignité, de l’équité et de la libération du potentiel économique des femmes.

Vous souhaitez connaître les obstacles et les opportunités pour aborder l’inclusion financière numérique des femmes ? Pour en savoir plus, consultez cette publication.