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La confiance avant tout!

par Sabine Mensah, Directrice adjointe AfricaNenda - 2 août 2023

En 2022, le rapport d’AfricaNenda intitulé L’état des systèmes de paiement instantanés et inclusifs en Afrique a mis en lumière la façon dont les systèmes de paiement instantanés et inclusifs (SPII) sont devenus des outils puissants pour l’adoption et l’utilisation des paiements numériques. Ils permettent en effet de réduire les coûts des transactions quotidiennes et de renforcer leur sécurité. Le rapport SPII 2023 devrait paraître en novembre prochain. Il s’appuiera sur ces fondements et proposera des méthodes concrètes pour stimuler l’adoption et l’utilisation des paiements numériques.

Les opérations de paiement et les transferts d’argent sont des éléments quotidiens de nos vies. Pourtant, le dernier rapport Global Findex de la Banque mondiale révèle que 45 % des adultes d’Afrique subsaharienne ne font encore aucune transaction numérique. Des progrès ont certes été constatés, mais il est crucial de comprendre quels sont les obstacles à l’adoption des paiements numériques si l’on souhaite généraliser leur utilisation et améliorer leur efficacité, au-delà des transactions occasionnelles. En 2021, non moins de 16 milliards de transactions ont été effectuées en Afrique, à travers 29 systèmes de paiement instantanés (SPI) existants. Leur montant cumulé atteignait presque 1 000 milliards de dollars. Notons que le taux de croissance annuel du volume des transactions depuis 2018 est de 32 %. La croissance rapide observée ces dernières années montre à quel point l’infrastructure de paiement instantané peut être transformatrice dans le parcours de l’Afrique vers une numérisation inclusive.

Le rapport SPII est fondé sur une meilleure compréhension du comportement des consommateurs concernant l’accès et l’adoption des paiements numériques. En 2022, AfricaNenda a mené une étude poussée impliquant des particuliers et des micro-, petites et moyennes entreprises dans sept pays : l’Égypte, le Ghana, le Kenya, le Nigéria, la République démocratique du Congo (RDC), la Tanzanie et la Zambie. Malgré leurs contextes différents, ces pays partageaient un point commun, à savoir une adoption non linéaire des paiements numériques. Les personnes qui ont déjà adopté ces systèmes sont d’accord sur le fait qu’ils offrent de multiples avantages : réduction des coûts, plus grande simplicité pour les transactions à distance et réduction des risques liés aux espèces, notamment la contrefaçon et le vol. Elles saluent en outre la traçabilité et la visibilité des paiements numériques. En revanche, de nombreux consommateurs sont confrontés à des obstacles persistants, comme le fait de ne pas posséder de téléphone mobile, la couverture insuffisante du réseau, l’accès limité à des agents ou à des établissements de retrait et de dépôt, mais aussi les risques de fraude. L’étude auprès des consommateurs de 2022 a fait ressortir trois groupes de pays. En premier lieu, les pays émergents, comme le Nigéria, la Tanzanie et la Zambie, qui font face à des taux d’adoption faibles à modérés. Le deuxième groupe est celui des systèmes naissants, qui comprend des pays tels que l’Égypte et la RDC. L’adoption et l’utilisation courante des paiements numériques y sont relativement faibles. Enfin, le troisième groupe est celui des pays comme le Kenya et le Ghana, qui ont réussi à obtenir des niveaux d’adoption et d’utilisation élevés.

La confiance, parlons-en !

La confiance a été citée comme un obstacle à maintes reprises. C’est un sentiment difficile à obtenir. Notre étude auprès consommateurs montre que les difficultés liées à la confiance englobent divers aspects.

Certaines personnes n’ont pas confiance en leurs propres compétences technologiques, souvent parce qu’elles sont peu alphabétisées ou sensibilisées, et qu’elles ne comprennent pas comment les paiements numériques fonctionnent. Fait inquiétant, ce manque de confiance en soi est particulièrement saillant au sein des groupes vulnérables, comme les femmes et les personnes âgées.

Par ailleurs, le bouche-à-oreille dans les cercles sociaux joue un rôle central dans l’établissement de la confiance. Les individus qui hésitent à adopter les paiements numériques n’accordent souvent pas leur confiance sans la validation de leurs pairs. Parfois, une seule expérience négative peut dissuader une communauté tout entière.

Le manque de confiance envers les prestataires de services de paiement et leurs agents freine aussi l’adoption. Par exemple, la crise bancaire qui a touché la RDC en 2018 a entraîné une réticence des consommateurs, qui craignaient de subir des pertes financières. Les agents jouent un rôle crucial dans l’intégration et la facilitation des transactions, mais sont considérés avec suspicion en raison de leur accès à des données personnelles sensibles. Les femmes ayant répondu à l’enquête ont indiqué se sentir vulnérables dans ces situations.

En outre, la confiance peut aussi être minée à cause des risques de fraude, de manipulation et d’hameçonnage. Au Cameroun, des utilisateurs ont déclaré abandonner les paiements numériques ou retirer leur argent rapidement pour éviter d’être victimes d’activités frauduleuses. Les consommateurs ont souvent l’impression de n’avoir aucune voie de recours efficace à disposition en cas de fraude.

Gagner la confiance des consommateurs est indispensable à l’adoption généralisée et renforcée des paiements numériques. Alors, comment faire ?

L’étude auprès des consommateurs met en évidence d’importants éléments de conception à prendre en considération pour les SPII :

  • De réelles voies de recours – Mettre au point des mécanismes de recours et une protection des consommateurs qui soient effectifs, en les adaptant à la dynamique du marché local.
  • Des utilisateurs sensibilisés – Communiquer sur les avantages des paiements numériques et éduquer les consommateurs sur leurs modes d’utilisation sûre, en toute confiance.
  • Une marge d’erreur réduite – Mettre en œuvre des services de vérification instantanée et de confirmation des informations relatives aux bénéficiaires, ainsi que des confirmations de transaction pour éviter les erreurs.
  • Une confiance dans les systèmes – Garantir l’intégrité des prestataires de services de paiement, mettre en place des règles de conduite claires pour les agents et appliquer une réglementation rigoureuse concernant le traitement des données personnelles.

À travers des études auprès des consommateurs, les parties prenantes du secteur des paiements numériques pourront comprendre les difficultés posées par ces solutions et les possibilités offertes, pour ainsi mettre au point un écosystème modulable aligné sur les réalités des clients. Pour participer à ces discussions et obtenir de précieuses informations, nous vous encourageons à vous inscrire à l’évènement de lancement du rapport 2023 sur les SPII en Afrique, prévu le 8 novembre prochain à Addis-Abeba.. Nous y mettrons en lumière les dernières évolutions du paysage des SPI sur le continent, et fournirons des recommandations concrètes qui permettront de favoriser l’inclusion et de surmonter les obstacles à l’adoption.

Dans notre prochain blog, nous aborderons plus précisément comment les SPI peuvent transformer la vie et les moyens de subsistance des individus. La suite très bientôt !


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